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mentale, on peut s’étonner du peu de succès qu’ont eu pendant longtemps les idées de Lamarck.

C’est qu’à l’époque où elles furent émises, ces idées représentaient un ensemble d’hypothèses pour la plupart non encore vérifiées, et non un corps de doctrine solidement établi sur des faits acceptés de tous.

Les facteurs primaires de l’évolution n’avaient pas été soumis à une étude méthodique. Les sciences connexes de la Biologie, la Physique, la Chimie, la Géonémie étaient alors dans l’enfance et ne permettaient pas l’analyse des variations. La Paléontologie n’expliquait pas encore le présent par le passé.

Beaucoup des hypothèses proposées par Lamarck étaient insuffisantes ; quelques-unes prêtaient au ridicule, et comme les conclusions auxquelles elles servaient de base troublaient et effrayaient les esprits, comme d’ailleurs elles allaient à l’encontre des doctrines professées alors par des hommes puissants et autorisés, le baron Cuvier et ses successeurs au Muséum et à l’Institut, on comprend l’ostracisme dont les idées nouvelles furent l’objet dans notre pays où, grâce à Buffon, aux encyclopédistes Diderot, Cabanis, etc., et surtout grâce aux travaux d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, le terrain semblait le mieux préparé pour le développement rapide de la théorie de l’évolution.

Vers la même époque, en Allemagne, les vues générales de Gœthe, de Kant, de Treviranus, qui auraient dû logiquement amener les biologistes à la notion du transformisme, n’avaient abouti qu’aux systèmes nébuleux et anti-scientifiques des philosophes de la nature.

Ce n’est pas impunément, en effet, que les naturalistes, abandonnant le terrain solide de l’expérimentation, prétendirent avec Schelling que philosopher sur la nature c’est créer la nature. La science fut bientôt envahie par les conceptions les plus fantastiques, et l’on put craindre un instant un retour au verbalisme fastidieux du moyen âge.

Aussi, par une réaction logique quoique exagérée, les esprits les plus éclairés au milieu du xixe siècle durent chercher un refuge dans l’empirisme solide mais stérilisant du positivisme, et n’accueillirent qu’avec méfiance la renaissance du transformisme, lors de la publication simultanée, en 1858, de l’Origine des espèces de Ch. Darwin et de l’Essai sur la sélection naturelle de A.-R. Wallace.