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GREGOR MENDEL.

stabilité des espèces est ébranlée à un haut degré ou même complètement détruite par la culture ; on est très porté à représenter la formation des espèces cultivées comme étant irrégulière et accidentelle ; on cite alors, ordinairement, les colorations des plantes d’ornement, comme exemple d’instabilité. On ne voit cependant pas bien comment le simple transfert dans un jardin pourrait avoir comme conséquence une révolution si décisive et si durable dans l’organisme végétal. Personne ne voudra sérieusement affirmer que le développement de la plante soit régi, en plein champ, par d’autres lois que dans une plate-bande de jardin. Ici comme là, doivent apparaître des modifications typiques lorsque les conditions de vie de l’espèce sont changées et que cette espèce possède la faculté de s’adapter aux conditions nouvelles. Nous admettrons volontiers que la culture favorise la production de nouvelles variétés et que la main de l’homme obtient plus d’une variation qui devrait disparaître à l’état de nature, mais rien ne nous autorise à admettre que la propension à former des variétés soit exaltée au point que les espèces perdent bientôt toute autonomie et que leurs descendants s’enchaînent en une suite sans fin de formes extrêmement instables. Si une modification dans les conditions de végétation était la seule raison de la variabilité, on devrait s’attendre à ce que les plantes cultivées qui ont été entretenues pendant des siècles dans des conditions presque identiques, aient retrouvé une nouvelle fixité. On sait que ce n’est pas le cas, car c’est justement parmi elles que l’on trouve, non seulement les formes les plus différentes, mais aussi les plus variables. Seules les légumineuses, comme Pisum, Phaseolus, Lens, dont les organes reproducteurs sont protégés par la carène, font une remarquable exception. Là aussi, il y a eu, pendant une culture de plus de 1 000 ans dans les conditions les plus diverses, production de nombreuses variétés. Celles-ci montrent cependant, lorsque les conditions de vie restent semblables, une fixité comparable à celle des espèces sauvages.

Suivant toute vraisemblance, la variabilité des végétaux cultivés dépend d’un facteur auquel on a jusqu’ici accordé peu d’attention. Diverses expériences nous amènent à penser que nos plantes cultivées sont, à peu d’exception près, des membres de différentes séries d’hybrides dont la descendance régulière est modifiée et contrariée par de fréquents croisements entre les différentes formes. Les végétaux cultivés, en effet, sont, la plupart du temps, élevés en grand nombre