Page:Buisson, Rapport fait au nom de la Commission de l’enseignement chargée d’examiner le projet de loi relatif à la suppression de l’enseignement congréganiste - N°1509 - Annexe suite au 11 février 1904 - 1904.pdf/34

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prohibition prise directement ou indirectement contre une Église, contre une doctrine, contre une manière de penser ou de croire.

A l’enseignement catholique, elle n’ôte qu’une seule force, la force extrinsèque, économique, politique et sociale, qu’il tirait d’une organisation artificiellement créée, artificiellement entretenue, celle du monachisme.

Aux maîtres catholiques, elle n’ôte rien de leur liberté, mais elle leur ôte le privilège de se grouper dans des conditions exceptionnelles qui les transforment en une masse militairement constituée au service non d’une école, mais d’une Église.

L’Église a, en effet, cet avantage d’être seule en mesure, non seulement de grouper ses croyances en un corps de doctrines, mais de grouper ses serviteurs en une collectivité automatique qu’elle peut d’un signe mobiliser.

Pour avoir raison du cléricalisme, est-il besoin de lui interdire la parole, la presse, l’enseignement ? Nullement ; il suffit de ne lui laisser l’usage de l’enseignement, de la presse, de la parole que dans les conditions communes à tout le monde.

Un croyant, un dévot, un mystique, un clérical n’est pas plus dangereux qu’un libre penseur, un sceptique ou un athée. Mais une troupe de croyants ou une troupe d’athées autorisée à se constituer en un corps social fondé sur l’abdication de tous aux mains d’un seul, avec serment d’obéissance absolue et renonciation à la famille, peut mettre en péril la société, à plus forte raison mettre en péril l’éducation de la jeunesse.

La loi ne fera donc pas la police des idées, mais elle fera la police de ces groupements qui, sous prétexte d’idées, embrigadent et asservissent des milliers de personnes humaines.

Que ces milliers de personnes soient dans l’erreur ou non, la loi n’a rien à y voir : elle n’entreprend pas de les guérir ou de les éclairer malgré elles. Mais elle refuse sa sanction à ceux qui lui demandent pour ce système d’asservissement le sceau de l’autorité publique.

Rien de plus, rien de moins. Et en se tenant à ce rôle, la loi ne fait pas trop, et elle fait assez.

Elle ne fait pas trop, car elle ne porte atteinte à aucune liberté chez aucun individu.

Elle fait assez, car pour briser un faisceau, il n’est pas nécessaire d’en broyer chaque fibre, il suffit de les dénouer.

Quelques-uns disent : « Mais qu’importe que l’on détruise l’enseignement congréganiste, si l’on ne détruit pas l’enseignement clérical ? » C’est qu’ils sont encore dupes d’une illusion. Ils se figurent que c’est par les doctrines que l’enseignement clérical est une puis-