Page:Buisson, Rapport fait au nom de la Commission de l’enseignement chargée d’examiner le projet de loi relatif à la suppression de l’enseignement congréganiste - N°1509 - Annexe suite au 11 février 1904 - 1904.pdf/27

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la moralité de l’enfant. Mais s’ensuit-il que l’État soit tenu de lui garantir des légions de moines et de religieuses dressés, endoctrinés et enrôlés tout exprès pour l’aider dans celle œuvre ? Il s’applaudit naïvement, n’y ayant d’ailleurs jamais réfléchi, de trouver sous sa main, en nombre toujours suffisant, des personnes qui, s’étant laissé condamner à n’avoir pas d’enfants, élèveront les siens presque pour rien en apparence, qui, étant sévèrement tenues hors du monde, de la famille et des réalités de la vie, ne pourront en parler aux enfants que d’après les vues de la sacristie et du couvent : est-ce une raison pour que l’État lui doive son concours en vue de solliciter, de faciliter, d’encourager cette suppression de milliers d’existences humaines, au profit de l’Église et de ses grandes ambitions ?

Quoi de plus significatif que cette prétention ingénument exprimée ou sous entendue par les signataires de ces pétitions ? Ils réclament, comme une sorte de fonction sociale indispensable, des congréganistes pour leurs malades et pour leurs enfants. On disait naguère : il faut une religion pour le peuple. Il lui faudrait maintenant des religieux et des religieuses.

C’était bien, il est vrai, l’antique conception. Les monastères remplissaient dans la société d’autrefois un office social indéniable : sans eux la propriété se fût vite morcelée et nombre de grandes familles n’auraient pas pu tenir leur rang. Aujourd’hui on leur demande un autre service : sans eux, dit-on, il serait impossible aux familles, à l’Église elle-même d’entretenir un certain type d’éducation très religieuse : privée de cette serre chaude, la jeune plante humaine ne mûrirait plus pour la foi.

Il se peut que le catholicisme regrette ce puissant instrument de culture intensive ; mais, l’Etat ne lui prêtant plus main-forte pour l’entretenir, il faudra bien qu’il apprenne à s’en passer, comme on s’est passé des couvents conservateurs du droit d’aînesse.

La même objection prend volontiers de nos jours une autre expression.

Refuser, dit-on, au père de famille le mode d’éducation catholique qui seul lui agrée, c’est en réalité déclarer la guerre à la liberté d’enseignement, voilà pour la forme, et à la liberté de conscience, voilà pour le fond. L’âme de toutes ces mesures anticongréganistes, c’est la passion anticatholique, antichrétienne, antireligieuse.

Les faits se chargent de faire tomber cette critique.

Après comme avant la présente loi, il sera permis à tout père de famille catholique ou même clérical de donner ou de faire donner un