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les voit par groupes, ici ballastant la voie, là extrayant des carrières la pierre des ponts et des ponceaux, une pierre magnifique, le véritable granit laurentien, aux grains serrés, scintillants, durs et fermes, capable de résister au choc de tous les tremblements de terre dont nous sommes prochainement menacés. Voici le loghouse du père Buchanan, une des maisons de pension échelonnées sur la ligne ; on y prend un bon repas pour vingt centins ; le prix est le même pour tout le monde, car l’ordinaire ne peut être que le même pour tous ; du reste, ce prix est invariable dans toutes les pensions qui s’établissent au fur et à mesure que les hommes séjournent quelque peu dans un endroit. Le père Buchanan a une belle grande fille, une blonde anglo-saxonne, aux membres d’athlète, qui vous débite en trois coups de hache une énorme bûche, et, l’instant d’après, vous servira gracieusement, avec sa main redoutable, une assiettée de soupe ou un rosbif taillé comme dans un billot. Ici, le sol est superbe pour la culture des grains et des légumes ; on le voit bien aux couches jaunes, argileuses, pâteuses, que la pelle tranche et qu’elle rejette symétriquement de côté pour former les terrassements ; mais cette région est aussi parfois tant soit peu marécageuse, comme il arrive partout où l’on approche de l’arête de séparation des eaux ; ces savanes toutefois ont peu de profondeur et un égouttement bien entendu en aura facilement raison.

Messieurs, je laisse de côté quantité de détails, d’incidents en apparence futiles et qui, pourtant, m’ont paru sur l’heure extrêmement instructifs et piquants.