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LES JEUNES BARBARES

— « Ah ! Excusez-moi, repris-je indigné, je croyais que votre vie valait au moins quelques piastres. »

« Je vous laisse sur cette dernière réflexion. »

Dr C.

Un instant, docteur.

Une réflexion se présente immédiatement, qui n’est pas « la dernière ». C’est que la base essentielle de toute comparaison est l’analogie. De même qu’on ne peut comparer un limaçon avec une sauterelle, de même on ne peut comparer un médecin, qui s’indigne contre son client, avec un médecin qui se déclare satisfait du sien, tellement satisfait qu’il ne peut résister au plaisir d’en faire part au public.

Allons, il est évident que c’est vous qui avez une « rancœur révoltée », et l’on parierait sans crainte que le vieux professeur c’est vous-même. Mais, dites-nous un peu, qui êtes-vous, jeune homme, et que prétendez-vous ?

Ignorez vous donc que lorsqu’on entreprend de raconter ou de peindre un des mille incidents de la vie, un de ces mille riens qui renferment au moins une leçon philosophique, il faut le faire de telle sorte que le spectateur ou le lecteur se trouve en présence d’une œuvre d’art, et que l’inanité du sujet disparaisse sous la beauté du tableau ? Ignorez-vous qu’il faut pour cela avoir des qualités d’écrivain exceptionnelles, qu’il faut y mettre une telle perfection de style, un tel éclat de coloris, un « humour » et un entrain si piquants, une si remarquable