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LES JEUNES BARBARES

Ces pauvres gens des villages parlent comme ils peuvent. Aucun d’eux ne se serait aviser de débiter un discours académique pour en arriver à dire « le père X n’est pas très bien. »



Mais voici que nous enjambons subitement une dizaine de barreaux dans l’immense échelle de l’idéal que le docteur C. nous tend.

« On donne des statues et des médailles, s’écrie-t-il, à celui qui happe d’une main, alors qu’il est solidement campé sur un rempart, le malheureux qui tombe à l’eau.

« Qui est-ce qui sait seulement qu’un médecin a sauvé un homme ? Personne.

« Qu’il sauve cent vies… un voisin curieux l’abordera en lui disant qu’un tel prend du mieux. Ce sera tout.

« Y a-t-il seulement une personne dans ma paroisse qui sache que, sans moi, ce grand vieillard, au lieu d’être un cadavre, serait maintenant un squelette ? Je ne crois pas. »



J’ai tenu à aller jusqu’au bout de ce magnifique passage, qui explique tout l’article, afin de ne pas interrompre un aussi beau cours de bêtise humaine.