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LES JEUNES BARBARES

Ce pauvre vieillard en a-t-il couru des dangers, tout de même ! Et puis, quelles difficultés ne présentait pas une opération sur un homme enraciné comme les chênes ! Vos manipulations auraient pu prendre racine, aussi elles, et voyez un peu où vous en seriez et où nous en serions, car vous n’auriez pas pu écrire Comme dans la vie !

« Je veux n’en tirer aucune gloire. (Voilà une heure que c’est évident) Avec les premières manœuvres que l’étude et l’expérience nous apprennent, je réussis très parfaitement à réduire la hernie. »

« Et au bout d’une demi-heure je repartais, laissant ce brave vieillard retourner à grands pas vers la vie. Il était sauvé. »

C’est trop beau. Jamais vous ne ferez accroire à personne que ça été si facile que ça. Votre modestie vous joue un mauvais tour. Étant donnée votre répugnance évidente à parler de vous-même, vous n’auriez jamais pris la peine de raconter, on ne sait combien de temps après, que vous n’aviez accompli autre chose cette fois-là qu’une opération ordinaire, pour laquelle une demi-heure avait suffi. Non, non, nous savons mieux. « Celui qui donne le jour » a pris toute une semaine pour créer l’univers, et vous, qui êtes aussi puissant que lui, vous n’auriez pris qu’une demi-heure pour réduire une hernie ! Vous voulez nous mystifier, docteur. Et si nous n’étions en présence d’un « exécutant » comme il n’en fut jamais, nous nous servirions de l’expression vulgaire : « C’est une blague que vous nous faites. »