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LES JEUNES BARBARES

succès, le docteur C. en a en masse, comme on dit ; il en a même beaucoup trop. Je lui reconnais même une bonne volonté ferme pour assommer ses contemporains, avec ses articles, et il l’exerce sans pitié, sans vergogne.

C’est égal, il est roide à avaler le « succès de survie ». Pour du succès, le docteur en a un incontestable. Et Érostrate donc ? Et ce groupe des « jeunes » de Montréal, qui n’ont pas la moindre notion de langue ou de style, pas la moindre idée des convenances du langage, qui écrivent furieusement des choses sans queue ni tête et qui s’appellent entre eux des écrivains, par dessus le marché, est-ce qu’ils n’en ont pas, aussi eux, du succès ? Oh ! Ce n’est pas le succès que je discute : c’est la survie qui m’effare. Voyez-vous un homme ordinaire, aussi modeste que le docteur C. est puissant, à qui il arriverait un succès de cette espèce étonnante ?

Il aurait toutes les raisons du monde d’en perdre la tête. Dans le cas présent, c’est encore plus fort, c’est nous qui la perdons.

Ensuite, docteur, vous dites qu’il est rare, dans votre profession, qu’il n’y ait point d’issue pour le doute. « Issue » en français, se dit d’un lieu par où l’on sort. Les mortels communs, qui se contentent « d’avoir reçu le jour » et qui parlent comme tout le monde, disent qu’il y a place pour le doute ou raison de douter ; mais il répugne essentiellement à la tribu des « jeunes », laquelle n’a pas le sens commun, de parler communément. Ils n’ont qu’une manière de se distinguer