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LES JEUNES BARBARES

parfaitement. On n’y rencontre pas de ces heurts de nature qui blessent l’œil et font, de prime abord, un effet désagréable. »

Un blond d’allemand ! Est-ce que c’est une couleur particulière, ça, le blond d’allemand ? En quoi diffère-t-il du blond ordinaire ? Notre jeune homme, qui n’a jamais vu d’Allemands dans sa vie, j’en suis presque sûr, a lu quelque part : Les blonds Allemands par ici, les blonds Allemands par là, et il est si convaincu qu’un véritable Allemand doit être blond avant tout, que, s’il en voyait un brun, il le prendrait immédiatement pour un Turc.

Et puis, avouons que ce n’est pas très aimable de dire d’un Alsacien qu’il est d’un blond d’Allemand. Ses mânes doivent en frémir, comme on dit en phrase étonnamment neuve.

Il en est ainsi du « grassouillet à la Fréchette et de la démarche d’abbé ». Il est étonnant, comme lorsqu’on est une fois parti à dire des machines comme celles-là, on ne peut plus s’arrêter !

Il paraît que tout cela, mêlé ensemble, s’harmonise parfaitement et que les heurts de nature ne sauraient troubler en aucune façon cette harmonie savante qui résulte d’un homme blond d’Allemand, grassouillet à la Fréchette, au teint animé, aux yeux bleus (il a oublié de dire bleu « de Prusse » ) et à la démarche d’abbé.

Ô lecteurs ! Pardonnez-moi, pardonnez-moi.