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RÉMINISCENCES

Ovide Perrault parlait peu : il se tenait dans un angle, avec son sourire narquois, défaisant un à un, derrière ce sourire, tous les beaux arguments dont, nous venions d’échauffer l’atmosphère de l’Institut.

Gonsalve Doutre, toujours positif et toujours sourd, ne connaissait que les textes ; il avait un respect candide et pointu pour les dates. Avec lui pas d’échappatoire ni de tangente possible, quand le « fait historique » était là, certifié par un premier narrateur (copié ensuite par cent autres) qui, lui, le tenait de la tradition incrustée dans l’esprit des hommes par le « respect des âges, » cette admirable consécration qui exempte de toute recherche, de toute constatation personnelle et indépendante, comme de toute critique historique.


V


À cette époque tout le continent nord-américain était en feu. Une guerre effrayante hurlait à nos portes. Les États du nord et les États du sud se battaient depuis près de quatre ans. La célèbre affaire du « Trent » et mille autres affaires de détail avaient failli mettre aux prises les États-Unis et la Grande-Bretagne. Montréal regorgeait de Sudistes cherchant à fomen-