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RÉMINISCENCES

Les « anciens » étaient devenus de plus en plus rares aux séances de l’Institut. On ne les y voyait guère que dans les occasions solennelles où il fallait donner de notre institution une opinion considérable.

Le fait est qu’une espèce de dégoût s’était emparé de plus en plus des libéraux de renom, et que, voyant le terrain leur échapper davantage tous les jours, ils aimaient mieux se retirer que de se compromettre sur l’arène brûlante où la jeunesse seule pouvait impunément se risquer. Puis il y avait d’autres considérations ; on avait vieilli, on était père de famille, ce qui rendait l’intérieur plus difficile à quitter après les journées de travail ; on avait des affaires, des soucis, des intérêts, mille choses qui n’embarrassent pas la jeunesse, de sorte que les hommes arrivés étaient bien aises de trouver des remplaçants ; sans cela l’Institut aurait été obligé de fermer ses portes.

M. Joseph Doutre, cependant, venait plus souvent que ceux de sa génération. M. J. Doutre, que l’on regardait à bon droit comme le type de l’inflexibilité, de rattachement inébranlable et immuable aux principes de la vieille école, n’avait pas voulu lâcher prise en face de l’intimidation et de l’intolérance. Il aimait à voir les jeunes gens s’affirmer, manifester hautement leurs opinions, ne relever que de leur conscience et de leurs convictions. Il aimait à les encourager de sa parole et de ses actes ; aussi le trouvait-on plus souvent en contact avec eux, et se mêlait-il davantage à leurs réunions ou aux occasions diverses qu’ils avaient de se manifester ou d’agir.