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RÉMINISCENCES

naissance » que je tiens d’un prêteur, chez qui j’ai engagé un habillement de soirée complet. Cet habillement m’est désormais inutile, mais il pourra peut-être vous servir à quelque chose. »

Pour rien au monde je n’aurais voulu accepter quoi que ce fût de ce pauvre garçon, mais il insista tellement que je dus me rendre. Je pris donc la reconnaissance, et, deux heures après, moyennant cinq dollars payés au juif, je me trouvai nanti d’un habit à queue, d’un gilet et d’un pantalon tout neufs. Qu’allais-je en faire ? C’est alors qu’une idée folichonne me traversa la tête. Que j’en ai eu d’autres depuis !



Le propriétaire du « Richelieu » avait alors à son service un garçon de quinze à seize ans, qui faisait dans l’hôtel toute sorte d’ouvrages d’une nature quelconque. Ce garçon s’appelait Ménésippe. J’abordai immédiatement maître Béliveau : « Modèle des hôteliers, lui-dis-je, je prends Ménésippe à mon service et à celui de mes amis ; nous vous donnerons tant par semaine pour le temps qu’il nous consacrera ; il nous servira à table, nous exclusivement, en habit à queue et en gants blancs. Cela donnera énormément de relief à votre boutique et vous attirera une clientèle comparable à la descendance d’Abraham. Voici un habillement tout fait pour lui ; je le lui donne, mais à la condition qu’il nous serve, comme je viens de l’indiquer. »