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récits de voyages

inextricable des îlots ameutés sur sa route. Le bateau recommence ses mouvements, que chaque minute voit changer ; il a l’air ahuri, ne plus savoir où aller, et, de guerre lasse, prendre un dernier élan pour en finir. Mais une main sûre le guide. Encore une fois il a tourné un petit groupe îlots qui se dressaient tout droit devant lui, dans une attitude provocatrice, et le voilà qui navigue à l’aise, dans un chenal élargi.

Et cela dure deux heures, deux heures d’émotions, comme on en éprouve rarement dans la vie ; malgré leur fuite rapide de l’âme et le torrent qui les emporte l’une après l’autre. Pour moi, malgré les six années qui me séparent du jour où je vis pour la première fois les Mille-Îles, je m’y reporte encore par la pensée et je sens s’agiter en moi plusieurs des impressions qui me donnèrent deux heures de ravissement ; je me retourne vers ce rayon fugitif qui descend de plus en plus sur l’horizon lointain, mais qui, en s’affaiblissant, laisse une clarté douce comme un souvenir heureux.

Alexandria Bay, située sur la rive américaine, en présence des Mille-Îles, participe de leur