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avoir avec elle, envoyait au Canada le premier consul général que nous ayons eu, et qui se nommait M. Gauldrée-Boileau.

C’était à l’époque où Napoléon III négociait avec l’Angleterre un traité de commerce qui allait établir le libre-échange sur une foule d’articles entre les deux pays. D’après ce traité, tout navire construit en Angleterre ou dans ses colonies pour des armateurs français, ne payait qu’un droit d’entrée de deux francs par tonneau, arrivé à sa destination. M. Gauldrée-Boileau, profitant de ces circonstances avantageuses, s’employa activement et énergiquement à développer le commerce du Canada avec son ancienne mère-patrie. Des relations importantes furent nouées, surtout avec les armateurs de Marseille, et, en 1867, on compta jusqu’à douze navires construits à Québec pour le compte de ces derniers. Québec était devenu comme une succursale des chantiers maritimes français, et voyait avec confiance grossir de plus en plus dans l’avenir cette industrie qui donnait au Canada un nouveau débouché et augmentait les éléments de sa prospérité.

Mais, malheureusement, la France allait se trouver bientôt engagée dans une guerre formidable qui tournerait à son détriment, lui enlèverait deux provinces et lui imposerait une indemnité de guerre d’un milliard de dollars. Dès lors, une nouvelle situation économique était créée ; le traité de 1860 prenait terme, et le gouvernement de M. Thiers crut devoir modifier les tarifs existants. Néanmoins, chose qui nous étonne à juste titre, l’Angleterre, en révisant, de concert avec la France, le traité commercial de 1860, ne stipula à nouveau que pour elle-même au sujet de la construction des navires, laissant de côté ses colonies, dans l’intérêt exclusif de ses propres industriels.


De son côté, le gouvernement français, préoccupé surtout d’imposer des droits, en vue du paiement de l’indemnité militaire, et dans le but de protéger les armateurs qui faisaient construire en France, greva d’une taxe de quarante francs par tonneau, la francisation des navires étrangers, c’est-à-dire qu’il n’était plus loisible à un armateur français de faire construire un navire dans un port canadien, sans le voir assujetti, à son entrée en France, à payer l’impôt que nous venons de mentionner. C’était virtuellement stipuler la mort de nos chantiers maritimes, détruire le travail de dix années et mettre en danger sérieux, pour l’avenir, l’extension de nos relations commerciales avec la France. Mais l’Angleterre avait assuré, pour ses chantiers à elle, le maintien d’une situation privilégiée et n’avait pas hésité à sacrifier ses colonies. Dès lors, les commandes des armateurs de Marseille et de Bordeaux furent interrompues ou devinrent insignifiantes, et nos chantiers, déjà pour plusieurs causes en voie de décadence, ne tardèrent pas à se voir