La conquête du Canada par l’Angleterre fut le signal, non seulement d’un changement radical de régime, d’institutions et de politique, mais encore de la cessation complète de toute relation commerciale entre la colonie et son ancienne mère-patrie. La France ne fut plus pour nous qu’un souvenir. Les navires marchands qui, une fois par année, nous mettaient en communication régulière avec elle, ne reparurent plus ; aucun émigrant ne nous arriva de ses ports, pas plus qu’aucun de ses produits ; nous connûmes à peine même son histoire, et l’écho de ses grandes révolutions nous parvint comme le retentissement de catastrophes inexplicables. Intellectuellement, commercialement, politiquement, historiquement, le Canada fut séparé de la France ; il eut d’autres destinées ; il vit, petit à petit, s’étendre de nouveaux horizons, il entra plus directement dans la vie américaine ; le régime colonial, sous l’influence du progrès des idées et du développement des États-Unis, s’élargissant tous les jours, le Canada devint peu à peu maître de lui même, et, phénomène admirable ! à mesure que, par le temps, il s’éloignait de plus en plus de la France, à mesure que les années, s’accumulant, semblaient devoir obscurcir ses souvenirs, à mesure que les institutions, changées de nature, améliorées et perfectionnées, le plaçaient dans une atmosphère de plus en plus différente, et plus le Canada, à douze cents lieues de la France, sans aucun contact avec elle, restait et grandissait français.
Un siècle se passa ainsi, lorsque, tout à coup, l’arrivée d’une corvette française, dans le port de Québec, ouvrit une ère nouvelle et fut comme le premier jalon des relations qui allaient devenir de plus en plus nombreuses.
Quelques années plus tard, la France, tout étonnée de voir en Amérique une colonie anglaise composée d’un million de français, et comprenant l’étendue des rapports multiples qu’elle pouvait