mesure fiscale, il n’est pas difficile de démontrer que les droits établis sur les vins français nous sont plus préjudiciables que profitables, attendu que, s’ils étaient diminués, le commerce de vins se ferait sur une échelle beaucoup plus grande, et le trésor gagnerait bientôt, et au delà, par la quantité des droits perçus, ce qu’il semblerait perdre au premier abord par leur abaissement. Cela nous semble aisément compris de tous nos lecteurs, et nous aurions tort d’y insister. Ce qui nous préoccupe, c’est le côté en quelque sorte philosophique de la question, celui que nous signalions à l’instant et dont la portée est telle qu’il convient de le discuter sans délai, de l’apprécier dans ses mérites comme dans ses résultats.
Étant établi que l’impôt sur les vins français, au point de vue fiscal, s’il n’avait d’autre explication, serait un faux calcul, il ne reste plus qu’à voir ce qu’il représente réellement, c’est à dire l’autre côté de la question, qui peut se formuler ainsi : la théorie des Tempéranciers, des Teetotalers ; comme on dit en anglais. Jetons un coup-d’œil profane sur cette théorie et ramenons la sur terre afin de pouvoir l’examiner de plus près.
Tous les âges ont leurs fanatismes, leurs aberrations despotiques. Le nôtre subit cette loi fatale sous une foule de formes ; le fanatisme religieux ayant disparu, ou à peu près, de tous les pays civilisés, a été remplacé par une quantité étonnante de petits fanatismes qui, tous, s’inspirent de l’esprit suprême, infaillible, absolu. Le Teetolalism est un de ces produits modernes qui régénèrent les sociétés et font l’homme parfait en le rendant assez sec pour la combustion spontanée. Il existe une armée d’hommes, éclos des déserts arides répandus sur le monde, véritables chameaux de l’univers, qui se croient appelés à refaire la création et qui travaillent, de concert avec le philoxera, à faire disparaître la vigne, un des dons les plus généreux que la Providence ait faits aux pauvres mortels. Ils veulent détruire l’ivrognerie, non pas en s’en prenant aux ivrognes seulement, mais en soumettant tout le monde à la même loi draconienne de l’abstinence absolue, comme si, pour guérir les dyspeptiques, un conseil de médecins, ayant pleins pouvoirs, condamnait l’humanité entière à la diète.
D’abord animés d’intentions excellentes, et ne voulant combattre qu’un fléau qui porte en soi d’affreux ravages, ils n’ont pas tardé, leur nombre grossissant toujours, à passer de la répression à la suppression absolue, et à entrer en lutte avec la nature elle-même, parce qu’un certain nombre d’hommes abusent de ses dons et tournent en maux ce qu’elle leur offre en bienfaits. Ils n’ont pas compris que tout ce qui est un abus se corrige de soi même, que, dans tous les cas, les lois ne sont pas faites pour l’exception, et qu’on ne peut priver le très-grand nombre d’un usage légitime afin de punir la minorité de ses excès. Ils n’ont pas compris qu’en voulant