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ments. Avant la mi-août, les gros pardessus sont sortis des valises tutélaires qui les gardaient dans le camphre comme des saumons marinés ; les pelisses de fourrure recouvrent des épaules frissonnantes qui, hier encore, se découvraient paresseusement aux baisers du soleil ; on a vu du feu dans les maisons, horribile dictu ! pendant que les brouillards vomis par le golfe, et se succédant sans relâche, remplissaient l’air d’une crudité glaciale qui passait à travers les plus solides étoffes.

Quel climat que le nôtre, grand Dieu ! Est-on jamais sûr ici d’un lendemain d’été ? Quel jour peut servir de gage à un autre, et comment croire aux promesses d’un ciel plein de caprices furieux ? Vous quittez la ville, haletant, suffoqué, réduit par la transpiration, le manque d’appétit et le manque de sommeil, les membranes intérieures tapissées d’une poussière brûlante ; vous êtes exténué, accablé, vous vous traînez languissamment dans des rues presque désertes ; vos amis, tous ceux du moins qui l’ont pu, ont fui ; à l’heure où vous pensez à eux le gosier desséché, la sueur coulant de votre front comme une chaude averse, ils aspirent les senteurs du varech et les fraîches, les vivifiantes émanations des marées qui, deux fois par jour, font gronder les rivages… vous n’y tenez plus : « De l’air, de l’air, » il vous faut de l’air ; vous rassemblez ce qu’il vous reste de forces, vous vous donnez huit ou quinze jours, plus ou moins, de vacances, que vous arrachez aux jalouses affaires, et vous voilà parti. Oui, parti, mais le lendemain, mais le soir même ? Ah ! le len-