Page:Buies - Petites chroniques pour 1877, 1878.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 42 —

par ce coup de massue : « Ce n’est pas trop notre faute cependant, si nous nous occupons moins de vous que de la France ; vous manquez de pittoresque. »

Si les blonds allemands manquent de pittoresque à l’état habituel, ils ont parfois des cris de désespoir qui en ont du pittoresque, et du plus piquant. Deux bons bourgeois de Berlin s’entretenaient ensemble : « Ainsi, disait l’un d’eux, nous allons encore avoir la guerre avec la France, paraît-il. — Prions Dieu pour qu’elle nous donne une bonne volée cette fois, répondit l’autre, afin qu’elle devienne aussi pauvre que nous. »

Jamais philanthrope n’a rien dit qui vaille ce mot-là On pense instinctivement à la Turquie qui, à chaque raclée qu’elle donnait aux Serbes dans la dernière guerre, était obligée de leur faire quelque nouvelle concession.

Les Américains non plus ne sont pas un peuple remarquable par le pittoresque, et cependant ils ne cessent de nous donner les spectacles les plus bizarres, les plus inattendus. Ainsi, que pensez-vous d’une nation de quarante millions d’âmes, qui possède trois mille milles de côtes sur deux océans et qui n’a pas un seul vaisseau de guerre capable de se défendre contre un cuirassé ? Que pensez-vous d’une nation qui, pendant une guerre terrible de cinq ans, a mis sur pied plus d’un million d’hommes, et qui n’en a pas deux mille à opposer aux incursions des tribus indiennes de l’ouest qui semblent s’être donné un mot d’ordre suprême pour chasser les blancs ou pour mourir en-