donner l’âme à chacune de ses œuvres ; loi consolante en même temps que fatale, parce qu’elle le protège contre les défaillances, le stimule par la conscience de son mérite et répare ainsi sans cesse l’injustice des dédains ou de l’indifférence. Où en serions-nous, s’il fallait succomber aux déceptions anticipées, à la crainte de tenter d’inutiles efforts ? Il faudrait tout abandonner aux abominables gâcheurs et aboyeurs de la presse, perdre jusqu’au droit d’être humiliés de l’affront qu’ils font tous les jours à notre nom et à notre langue, puisque, pouvant le réparer, nous en serions tacitement complices. Non, il y a autre chose à faire dans un jeune pays que de céder aux désenchantements, et l’irritation de l’écrivain, qui va jusqu’à lui faire rejeter sa plume, cesse d’être légitime.
M. Auger comprend cela aussi bien que personne. Il sait aussi très bien que notre public, loin d’être gâté, n’est pas même formé, et qu’il est aisément accessible à toutes les idées saines qu’on lui présentera avec mesure. À l’œuvre donc, et faites votre part, puisqu’elle vous est échue. D’autres viendront qui ne tarderont pas à subir la vertu de l’exemple, et c’est ainsi qu’on réussira à former une véritable littérature nationale ayant de la substance et de la portée.