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ni former son goût, ni savoir faire de distinction, Quand il lit dans les journaux des paragraphes, et mêmes des articles entiers bouffis d’encens à l’adresse du premier venu qui a fait éclore un objet fait en caractères d’imprimerie, divisé en pages et couvert d’une reliure, il ne sait que penser, il repousse tout instinct qui l’éclairerait et il se dit que ce qu’il voit doit être très-beau, puisque des gens compétents le déclarent tel et l’offrent à son admiration.

Aussi, qu’il paraisse à côté de cet objet un livre bien écrit et bien pensé, il n’aura pas de prix. Pourquoi en aurait-il ? De là vient que ce ne sont pas toujours les plus capables de tenir une plume qui se donnent la peine de produire. Nous en avons des exemples qui étonnent tout le monde. Fabre, qui est un esprit vraiment incomparable, sensible aux impressions les plus délicates et sachant les rendre dans un langage merveilleusement précis, d’une finesse telle qu’on n’en saisit pas toujours l’aiguillon et que la portée échappe au commun des lecteurs, Fabre, dont le sarcasme atteint souvent l’éloquence, qui trouve au besoin des accents chaleureux et des notes profondément touchantes, Fabre est affligé depuis longtemps d’un incurable dégoût. Henri Taschereau, qui serait devenu un écrivain remarquable, parce