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L’homme est son propre ennemi, parce qu’il veut constamment être celui de son semblable. Cette vérité, éclatante s’il en est, simple et nette, est la plus difficile à faire comprendre. De l’envie viennent tous les maux, toutes les animosités ; les luttes pour le droit et pour le progrès elles-mêmes gardent à peine leur caractère transcendant au sein des rivalités et des ambitions de ceux qui s’en font les défenseurs, et c’est ainsi que même les plus grandes conquêtes de l’esprit sont souvent abaissées par l’égoïsme des mobiles.

Et pourtant, quel admirable et quel ravissant spectacle que celui de tous les hommes se donnant enfin franchement la main, et concourant ensemble à l’avancement des idées, au progrès général des sciences, à la lumière sur toutes choses ! Du coup, quel effondrement de préjugés, de passions et d’intérêts imbéciles, qui sont dans le chemin de l’homme comme des montagnes qui s’entassent les unes sur les autres devant le lever du soleil ! Qu’il soit compris une seule minute que l’intérêt momentané et exclusif, qui est la règle la plus commune des actions humaines, est aussi inintelligent qu’il est mesquin, et de suite il se fait un effort général de toutes les volontés vers la concorde, cette cause féconde de tous les progrès.