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choisie pour la mettre à exécution. C’est justement au commencement des chaleurs, dans la seule saison où les étrangers viennent nous visiter, alors que les soirées ne commencent guère avant neuf heures et demie, que la circulation est encore abondante dans les rues longtemps après que le conseil municipal a fini ses éloquentes séances, c’est à cette époque-là précisément où la vie reprend parmi nous, que les hôtels, seuls endroits de la ville qui accusent une certaine existence sociale, ont dû faire le vide et les ténèbres.

Nous ne savons où passer les soirées, (tout le monde ne se couche pas à l’heure des poules, tout le monde n’a pas le bonheur d’avoir des yeux de conseiller municipal qui se ferment à heure fixe dans toutes les saisons,) nous sortons à peine de l’écrasante monotonie de six mois d’hiver, nous voulons jouir un peu du temps ; pour nous, les jours doivent être doubles dans la belle saison afin de compenser six à sept mois d’engourdissement : nous cherchons de tous côtés quels sont les établissements publics où l’on puisse se rencontrer, causer, discuter, passer en revue les événements, jeter un regard sur le monde, mener enfin la vie d’hommes civilisés, comme nous croyons l’être, et nous ne trouvons rien, rien que les hôtels, et ce seul refuge, ce dernier centre de réunion nous a été enlevé à l’heure même où chacun, las de la promenade, énervé par la chaleur, sent le besoin d’un entretien agréable à côté d’un bon verre qui appelle le sommeil et asseoit le système nerveux pour la nuit !