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qui vise surtout à avoir son bout de réclame. De là un véritable déluge de productions sans valeur comme sans objet, qui n’ont pas de base et que rien ne soutient, comme s’il suffisait de volumes proprement dits pour constituer une littérature, comme s’il suffisait, pour être homme de lettres, de posséder un éditeur qui vous fait imprimer avec goût, brocher avec élégance et relier même, quand la simple brochure ne suffit pas à attirer le regard. Mettra-t-on une fois dans la tête de ces entrepreneurs de lignes qu’un écrivain n’est pas un journalier, qu’on ne s’improvise pas écrivain et qu’on ne devrait prendre une plume, le plus difficile à manier de tous les instruments, que lorsqu’on y a quelque droit, que lorsqu’on a du moins la conviction modeste d’apporter un faible appoint de plus au fonds commun des Lettres ? Qu’est-ce que c’est qu’écrire pour écrire ? Et penserait-on par hasard que la littérature moderne, parce qu’elle s’est affranchie du classique, n’ait gardé aucune retenue et se gave de tout ce qu’on lui apporte ?

Cependant, voilà ce qu’on appelle le développement de la littérature nationale. Quoi ! Il n’y pas même de fondations ; que voulez-vous développer ? Nous avons perdu, en Canada, le génie de la langue française ; nous ne connais-