On ne se figure pas la quantité de fret qui passe tous les jours sur l’Intercolonial, entre Halifax et la Rivière-du-Loup. Ce sont des suites de trains qui n’en finissent plus, et cela quatre fois par jour, deux fois en chaque sens, sans compter l’Express qui ne met que vingt heures à parcourir ses 560 milles. Les rails sont en acier, les ponts élégants autant que solides ; on sent que rien n’a été épargné pour faire de cette ligne un véritable monument de l’industrie moderne ; on n’y reçoit ni les secousses ni les heurts qui sont l’accompagnement habituel de tout voyage sur le Grand-Tronc, et lorsqu’on quitte ce dernier pour prendre l’Intercolonial, c’est comme si l’on sautait d’une charette sur un quatre-roues bien coussiné.
Ce que fera l’Intercolonial pour l’avenir du Dominion, on ne saurait en avoir dès maintenant une trop haute idée. La vallée de la Métapédia, un des futurs greniers du pays, qui était absolument sauvage et déserte il y a quelques années, est maintenant habitée sur la plus grande partie du parcours de la ligne ; les chasseurs et les pêcheurs qui parcouraient autrefois ses magnifiques lacs et ses forêts giboyeuses, commencent à diriger ailleurs leurs pas ; ils ne s’y reconnaissent plus. Le voyage à Halifax, auquel on ne pensait jamais jadis, qui prenait cinq jours il n’y a pas plus de