Page:Buies - Petites chroniques pour 1877, 1878.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 128 —

Il n’y a à peu près que les joueurs d’orgues de Barbarie qui ne tiennent pas de bars, et, encore, on n’en saurait répondre. Cela vient de ce qu’à Rimouski il n’y a pas de licence accordée pour la vente des boissons au détail ; de sorte que tout le monde a le droit d’en vendre et que l’hôtelier n’a pas celui de se plaindre ; il est obligé de subir cette compétition et de tâcher de la vaincre à armes égales, ce qu’il ne peut guère espérer, parce que le patronage est trop restreint et que, du reste, il se porte dans tous les sens, suivant l’inclination du moment.

Les gens de Rimouski ont trouvé instinctivement le meilleur moyen de combattre le commerce des liqueurs fortes ; c’est par l’abus même. Il n’y a pas de restriction ni de pénalité qui vaille ce remède-là. C’est en vertu de ce principe que se fait le traitement des ivrognes dans certains établissements d’Allemagne et des États-Unis. On met de la boisson forte dans tout ce que le malade mange et dans tout ce qu’il boit, et, au bout de quelque jours, il n’y tient plus. L’odeur, le seul aspect de la boisson lui donne des crises ; on continue jusqu’à ce que décidément il aime mieux se laisser mourir que de boire ou manger quoi que ce soit qui contienne une goutte de la maudite liqueur. Alors, il est guéri pour toujours, ou, du moins, pour bien longtemps, et il peut quitter la maison de santé. C’est ainsi que le nombre excessif des endroits où l’on peut boire finira par en donner le dégoût. Ce ne sera plus traiter un ami que