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vous ne sauriez lequel choisir des nombreux, trop nombreux hôtels qui s’y trouvent. Celui de M. St. Laurent est le plus ancien et il est le seul qui ait conservé son patronage d’autrefois, qui se maintienne dans des conditions de prospérité relatives. Les autres périclitent, ou s’arrachent, comme on dit ici, péniblement. Leur nombre dépasse de beaucoup les besoins de la localité, et même ceux des voyageurs ; comment, du reste, voulez-vous qu’ils résistent à l’invasion des caboulots, des buvettes improvisées, des bars d’occasion qui se dressent de tous côtés dans la petite ville ?

C’en est un vrai fléau ; on en compte un à toutes les quatre ou cinq portes. Quiconque ne peut réussir, dans l’industrie qu’il exerce, à mettre les deux bouts ensemble, se fait à moitié aubergiste et tient un petit débit de bière et de gin où les jeunes gens vont s’ouvrir l’appétit, après comme avant le repas, ou terminer la soirée par un night cap, sorte de conclusion qui recommence toujours. Jusqu’aux barbiers qui font ce commerce ! Il y en a deux dans l’endroit, et tous deux débitent avec passion. D’une main le rasoir, de l’autre la bouteille ; savonnette et flacon ! « Entrez, messieurs ; que désirez-vous ? Une barbe ou un cocktail ? Ici, l’on rase, ici l’on boit ; on mange même : voici du jambon, voici du saucisson, voici des huîtres ; allez-y. » Comment résister à des Figaros pareils, à des Figaros restaurateurs ? Le barbier aubergiste ? Que reste-t-il à faire à Rimouski après avoir produit un pareil type ?