bien recevant la dernière ondulation de longues collines qui s’abaissent lentement sous une toison de verdure ; ici, cascade bondissant, à travers les rochers, courant éparse dans trois ou quatre directions, prenant un lit, quittant l’autre, changeant de rive, allant et revenant affolée, jusqu’à ce qu’elle disparaisse tout à coup comme engouffrée au sein de la terre ; là, nappe profonde, calme avec majesté, insouciante des vents qui font frissonner la rive, reflétant sans une ride l’azur sombre du ciel, dormant ainsi depuis des siècles dans une immobilité pleine de sourdes tempêtes, comme si elle attendait l’heure fatale pour les faire éclater ; plus loin, cours facile, sans ambages et sans heurts, se prêtant aux moindres souffles qui tremblent dans l’air et brisant en mille paillettes lumineuses les rayons du soleil dispersés sur son dos. Il y a enfin la beauté simple et harmonieuse du paysage qu’on embrasse en un coup-d’œil, dont tous les détails se révèlent simultanément et se complètent l’un l’autre pour former un ensemble auquel rien ne manque. Ce dernier genre de beauté est surtout propre à Rimouski. Difficilement, en effet, on trouverait ailleurs un endroit qui renferme autant d’harmonie dans la disposition de ses parties, qui ait une assiette plus unie et qui soit d’un dessin plus sobre, plus régulier et plus pur.
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