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Et cependant, il possède la Pointe-à-l’Orignal tout entière, et les voyageurs affluent et chacun d’eux lui dit la même chose, sur mille tons répétés.

C’est qu’en effet il n’y a qu’un sentiment et qu’une voix là-dessus. On se désole à voir, aux mains d’un macaque obstiné, le plus beau site peut-être de toute la rive sud, celui d’où la vue embrasse la plus vaste étendue et le plus grandiose spectacle, un site qui offre au voyageur des avantages inappréciables, entre autres celui de le laisser absolument chez lui, sur un petit domaine rural où il vit en maître, loin de tout contact, de tout rapport avec la population des paroisses voisines, libre dans ses habitudes, dans ses goûts, dans ses manières de faire, à l’abri de l’ennui, car, chose curieuse ! les distractions abondent sur ce coin de terre isolé, ou, du moins, il est extrêmement facile de les y faire naître.

Élevez en effet, sur la Pointe-à-l’Orignal, un hôtel qui puisse contenir au moins cent personnes, au lieu de trente ou de quarante au maximum qu’il loge difficilement aujourd’hui, mettez des voitures à leur disposition et des jeux de quilles, de balle ou de croquet, installés n’importe où aux environs de l’hôtel, car le terrain ne manque pas, certes, et vous formez de suite une clientèle assurée de villégiateurs qui ne manqueront pas de revenir tous les ans passer leurs vacances à la Pointe.

S’ils allaient s’ennuyer malgré tout ce qu’on leur offre, c’est qu’ils ne sont pas dignes d’une vie meil-