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facile, qui ne demande aucun effort de pensée ou d’appréciation, n’en connaît et n’en réclame pas d’autre. À quelle école aurait-il appris à étudier et à méditer, et que peut-il exiger de son auteur ? Il n’en peut même rien attendre. Aussi la critique, par une conséquence naturelle et rigoureuse, devient-elle impossible, ne pouvant être en effet plus indépendante, plus approfondie ni plus sérieuse que les ouvrages mêmes qu’elle feint d’examiner et qu’elle a l’air de juger. Il en résulte que le premier venu se croit en état de tenir une plume et que l’on voit surgir presque chaque jour de ces écrivains improvisés qui ont eu le malheur de remporter des prix au collège. Chacun veut avoir fait un livre, n’importe de quoi, n’importe pourquoi. On ne s’occupe guère de ce qu’il peut y avoir dedans, pourvu que son nom soit dessus. L’essentiel n’est pas d’être, mais de paraître. On a lu dans les journaux : « Un tel (prosateur ou poëte) qui fait pâlir Jean Jacques, qui annule Victor Hugo… » et l’on veut essayer si, à son tour, on ne détrônerait pas George Sand ou Dumas, fils. On veut avoir aussi son joli petit volume, en papier rose et caractères mignons, et s’entendre, comme tant d’autres, appelé dans la presse « talent incomparable, auteur prodigieux, » fumée d’encens que ne peut recevoir sans être couvert de confusion tout homme ayant la moin-