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« La religion ! vous en faites un moyen, vous l’abaissez dans les intrigues de secte. La vertu ! vous la mettez uniquement dans l’asservissement à votre volonté. Osez nier ceci ; je suis, moi, un homme honnête, consciencieux, probe ; je crois à Dieu et aux sublimes vérités du christianisme ; mais je ne veux pas de votre usurpation de ma conscience, je veux croire au Christ, et non à vous ; je veux chercher la vérité que Dieu lui-même a déclaré difficile à trouver ; mais je ne veux pas que vous, vous l’ayiez trouvée tout seuls sans la chercher, et que vous m’imposiez vos erreurs au nom d’une religion que vous ne comprenez pas : n’est-il pas vrai que vous me déclarez impie ?

« Vous voulez former des citoyens, et vous gouvernerez la politique avec les idées du cloître ! vous interviendrez dans l’état pour troubler tout ce qui en fait l’harmonie et les bases ! Non, non ; votre système d’éducation et votre système de religion ne feront jamais que des théologiens ignorants et despotiques. Renoncez à faire des citoyens, vous qui ne savez pas la différence entre la politique et la théocratie.

« Et la nationalité ! comment la servez-vous ? N’avez-vous pas dit toujours qu’elle ne pourrait se maintenir sans vous ? et n’est-ce pas ainsi que vous avez toujours gouverné le peuple à qui sa nationalité est si chère ? Je suis, moi, un patriote dévoué ; j’ai pour la France le culte qu’inspire le respect pour la science et les lumières ; je crois à l’épanchement graduel de la langue et des idées françaises par tout le globe : mais je veux, pour maintenir la nationalité française en Canada, autre chose qu’un troupeau d’hommes asservis ; je veux l’élever pour assurer son triomphe ; je veux éclairer mes compatriotes, pour qu’ils puissent la défendre par tous les moyens ; je veux des hommes au cœur libre et fier qui comprennent ce que c’est que d’être français ; n’est-il pas vrai que vous me déclarez ennemi de la patrie, démagogue, révolutionnaire ?

« Votre éducation est française, soit ; mais les hommes que vous faites, que sont-ils ? qu’est que c’est que les mots et qu’importe le langage qu’on parle à l’esclave, pourvu qu’on soit obéi ? Votre éducation est française ! et qu’enseignez-vous de la France, notre mère ? vous enseignez à la maudire : vous enseignez à maudire les grands hommes qui l’ont affranchie, la grande révolution qui l’a placée à la tête du progrès social. Votre éducation est française ! et vous enseignez l’intolérance et le fanatisme, pendant que la France enseigne la liberté de la pensée et le respect des convictions. Quoi ! suffit-il donc, pour que vous donniez une éducation française, de n’en employer que les mots et d’en rejeter toutes les idées ! Vain simulacre, attrait trompeur qui séduit le peuple et donne des forces à tous les misérables politiciens qui exploitent sa crédulité !

« Au lieu de l’amour et de la fraternité, vertus du christianisme, venez