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achète, quand il y a lieu, les produits du colon, lui paye en outre son travail et fait vivre de la sorte un homme que la misère et le découragement chasseraient bientôt du sol qu’il a si péniblement fécondé.

C’est dans ces défrichements, perdus en quelque sorte au milieu des forêts, et qui resteraient longtemps ignorés, si le besoin fiévreux de se répandre et de conquérir à la hâte tout son domaine terrestre ne sollicitait l’homme à en reculer sans cesse les limites habitées ou connues, c’est dans ces défrichements, dis-je, que nous trouvons, pour bien dire, notre berceau, l’image fidèle de ce que fut notre patrie à ses premiers jours. On y voit les hommes dans leur nature même, aux prises avec tout ce qui les entoure, et c’est ainsi que nous apprenons à connaître par le détail intime comment se sont formées les sociétés qui, plus tard, vivent en pleine civilisation.

Ceux qui, comme moi, ont pu pénétrer dans les pauvres huttes où s’abritent tant de courages patients, tant d’héroïques résignations, ceux qui, comme moi, ont vu ce que peuvent accomplir ces défricheurs uniques, que rien ne rebute, que la fatigue de tous les jours accable, mais ne décourage pas ; qui arrivent dans les bois, assez souvent sans les instruments les plus nécessaires, sans les choses indispensables et qui, cependant,