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du Lac Saint-Jean

l’aventure et que ceux qui nous suivront verront plus clair autour d’eux et devant eux.


Notre pays n’est encore qu’une ébauche ; c’est à peine si nous en pouvons dès maintenant détacher ça et là quelques formes rudimentaires ; mais nous n’avons pas besoin de connaître l’étendue de la place que nous occuperons un jour, pas plus que le navigateur ne connaît l’étendue et l’avenir des terres qu’il est appelé à découvrir. Il suffit qu’il ait la foi et la volonté. À nous aussi la foi dans la destinée et la volonté suffisent ; inspirons-les aux générations qui viendront après nous ; nous leur léguerons un pays déjà remarquablement ouvert et agrandi, que nous aurons reçu de nos pères misérablement défriché, ignoré sur la carte du monde et ne laissant rien soupçonner de ses incalculables richesses. Maintenant, que nos descendants remplissent une tache indiquée et facilitée par nous. Ils ne sauront peut-être jamais quels efforts pénibles il nous en a coûté pour simplement jalonner notre route. Qu’importe ! La moisson sera pour eux, et ils auront encore à semer largement, et ils auront encore à parcourir un champ d’activité illimité, car bien des générations passeront avant que chaque acre de l’immense domaine que nous leur aurons transmis ait été arraché au désert, aux savanes, aux landes sauvages et aux steppes incultes.