naissants s’élèvent dans le ciel éblouissant de l’hiver, qu’obscurcissaient naguère des forêts impénétrables et qu’attristaient les zones incultes, marquées du seul passage de l’élan, du caribou et de l’Indien s’élançant à leur poursuite.
En maint endroit a cédé, sous les coups redoublés du colon, l’épaisse muraille hérissée et flottante des forêts ; les solitudes farouches et ténébreuses ont reculé petit à petit à l’aspect de l’homme armé de la terrible hache du défricheur ; et ces mêmes bois, ces vallées, ces gorges profondes, qui ceinturent les monts comme des écharpes d’abîmes, retentissent aujourd’hui du roulement continu des trains dont l’écho, vingt fois répété, court de massif en massif comme un tonnerre cadencé. Là où la voix de l’homme s’était jusque là à peine fait entendre, éclate tout à coup, dans le silence des campagnes, le mugissement prolongé de la locomotive ; le désert a disparu presque en entier ; des établissements sous toutes les formes, scieries, stations de pêche, clubs, semis de colonies ont pris naissance ; les « chantiers »[1] et les huttes de défricheurs se sont convertis en demeures permanentes et, avant un quart de siècle, dans ce vaste territoire intérieur, où l’on comptera alors autant de paroisses que d’habitations aujourd’hui, la nationalité franco-canadienne, resserrée et comprimée de toutes parts, se sera assuré un nouveau
- ↑ – On appelle « chantiers, » en Canada, des habitations provisoires de colons, faites en bois brut.