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coup devant le regard, comme s’ils nous attendaient pour fondre sur nous, grondant et mugissant à chaque appel du sifflet de la locomotive, comme si les échos, subitement éveillés dans leurs antres formidables, se menaçaient et se choquaient à la fois.

Dans ce désordre inexprimable et magnifique de la nature, le chemin de fer accomplit toute sorte d’évolutions, comme les contorsions d’un géant, et la belle rivière Batiscan, qu’on vient d’apercevoir, rayant dans sa course le pied des massifs, semblable à une couleuvre effrayée, précipite ses eaux qui, profondément pénétrées des sombres reflets des bois, semblent d’un noir lustré. Elle court, se retourne, échappe, glisse, s’enfuit, revient, agitant, frémissante, sa robe moirée, couverte d’étincelles de jais, et, après cent méandres, haletante ou rassurée, elle s’étale dans toute la force et l’ampleur de son cours.


LE « WINDSOR » DES LAURENTIDES. — GRAND BAL FORESTIER


Voici le Windsor, bâti sur un escarpement qui domine la rivière et escorté, comme d’autant de satellites, d’une douzaine de huttes qui ont déjà un petit air de civilisation, et qui, juchées çà et là, un peu au hasard, sur les nombreux reliefs du terrain, forment, aux abords de la Batiscan, un groupement des plus pittoresques et des plus ingénieux. Le Windsor restera célèbre dans les annales du chemin de fer du Lac Saint-Jean. C’était une hutte