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violents, une sorte de courant pressé qui fuit jusqu’à Terre-Rompue, endroit où les rapides cessent et où commence l’écoulement insensible de la rivière Saguenay, jusqu’à son embouchure dans le Saint-Laurent.

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À l’ouverture de la Grande-Décharge se trouve un grand nombre de petites iles, au milieu desquelles le courant rétrécit sa vitesse[1]. On dirait, surtout lorsque le vent d’ouest souffle, que le lac, impatienté de ces obstacles immuables, veut se précipiter sur eux et les inonder de ses flots, ne pouvant les renverser. Les rochers de ces ilots sont polis comme la glace, et les arbrisseaux qui y poussent plongent leurs racines dans un sol d’alluvion qui semble avoir été laissé là dans un mouvement précipité de retraite ; ils ont l’attitude de sentinelles placées abruptement sur une ligne brisée et attendant quelque cataclysme nouveau qui les relève de leur consigne. La ligne des flots franchie, la Grande-Décharge apparaît dans toute sa largeur qui est d’environ un demi mille, et sur ses rives on distingue çà et là quelques morceaux de terre cultivée où de rares colons ont construit leurs loghouses. C’est ici qu’était l’endroit le moins élevé de l’ancien lit du lac Saint-Jean, et les rivières du nord, qui lui apportaient le tribut de leurs eaux, y ont été naturellement amenées, lorsque le lac s’est précipité dans la crevasse subitement

  1. Ces iles s’appellent Dalhousie.