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« Tous ceux qui entreprennent de fonder un collège dans notre pays, disait, lors de l’érection de celui de Chicoutimi, Mgr  Tascheroau à Mgr  Racine, meurent de folie ou de chagrin. » C’est en effet de chagrin qu’est mort, entre autres, M. Painchaud, fondateur du collége de Sainte-Anne de la Pocatière. Les moyens, pour ces sortes d’entreprises, sont bien rarement proportionnés aux besoins ; on commence avec les ressources qu’on a sous la main, n’importe lesquelles, on continue avec celles qu’on espère avoir et l’on finit invariablement, quelque beau jour, avec les capitaux de la Providence, cette suprême et infaillible ressource de toutes les bonnes œuvres.

La fondation du séminaire de Chicoutimi a été déterminée, en quelque sorte même précipitée, par une cause d’une nature particulière. Il existait alors, depuis trois ans, dans le village, une école protestante à laquelle les parents catholiques, presque tous sans exception, envoyaient leurs enfants. Le maître de cette école ne perdait pas une occasion de poursuivre le curé, plus tard évêque, de ses sarcasmes ou de ses invectives, quelquefois aussi d’imputations calomnieuses. Le curé, de son côté, exhortait les parents à ne pas envoyer leurs enfants à l’école dirigée par ce dernier : « C’est bien », lui répondirent enfin les parents, « nous n’enverrons plus nos enfants à cette école, mais donnez-nous quelque chose qui la remplace ». C’est là-dessus que le curé prit la résolution héroïque de fonder le collége, qui n’a causé sa mort ni par le chagrin ni par la folie, mais où deux cents élèves reçoivent