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chands envers qui le colon, qui s’était déjà endetté pour ses frais de premier établissement, contractait de nouvelles obligations. Les causes qui avaient empêché la récolte l’année précédente se renouvelaient, et le pauvre malheureux, abandonné à lui-même au milieu des bois, tourmenté, sujet à des vexations, obligé souvent de disputer la possession même des quelques arpents de terre arrosés de ses sueurs, et incapable de les conserver sans des frais énormes que ses moyens ne lui permettaient pas d’encourir, privé de la protection des lois et exposé à toute leur rigueur, se laissait parfois aller au découragement et abandonnait les lieux témoins de ses longues souffrances. Mais, en général, le courage des colons ne se ralentit pas. À force de travaux et de peines sans nombre, ils parvinrent à tirer de leurs terres plus qu’ils ne gagnaient aux chantiers. Ceux qui n’étaient pas trop endettés purent se libérer enfin, tandis que d’autres durent continuer à subir leur mauvais sort pendant encore assez longtemps ; mais leur nombre diminua à mesure que les terres s’ouvrirent et que les produits de l’agriculture se multiplièrent. Enfin, la concurrence commerciale vint apporter un certain équilibre dans les relations et soulager le défricheur, au point qu’il ne reste plus guère de trace aujourd’hui de ce sombre passé, de l’enfantement pénible qui amena au jour cette région nouvelle qui devait plus tard porter le nom de « grenier de la province ».