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de sa sortie du Lac ; il ne consiste qu’en une succession de rapides et de cascades jusqu’à l’endroit où la marée se fait sentir. Pourquoi ce peu de profondeur dans cette partie de son cours, et puis tout à coup cet abime de vingt-cinq lieues de long où la sonde n’atteint parfois qu’à mille pieds sous la surface ? Pourquoi, dirons-nous encore, ces rapides et leur arrêt subit à Terre Rompue ? Pourquoi, de l’autre côté de la presqu’île de Chicoutimi, trouve-t-on cet étrange lac Kenogami, tout à fait enclavé dans les montagnes, et dont l’épaisseur d’eau égale celle de la rivière elle-même ? Pourquoi, partout où l’on voit des rochers ou des chaînons dans le bassin du Lac, ces rochers ou ces chaînons sont-ils presque partout, presque invariablement arrondis, polis à leur surface, comme par un lèchement persistant, continu de vagues ? Pourquoi ces bizarres méandres, ces gorges innombrables creusées en serpentant au milieu des amas d’alluvion et de terre végétale ? Pourquoi ces rocs, ces nombreux cailloux absolument isolés, entièrement détachés du sol, que l’on aperçoit tout à coup en plein champ ou le long de quelque rivière au rivage apparemment paisible, et dont la formation est étrangère à celle de ces rocs ? Pourquoi partout ce bouleversement, cette nature tourmentée, ces escarpements, puis ces effondrements, ces soulèvements et ces gouffres, cet orage terrible des éléments qui semble avoir été arrêté dans son cours et pétrifié sur place ? Pourquoi ce