Ces filles des colonies sont leur pâture, leurs joujoux, et s’ils consentent à s’amuser avec elles, s’ils les fréquentent, s’ils les courtisent, c’est pour chercher des victimes ; et si par hasard ils les épousent, c’est le pistolet sur la gorge, ou les créanciers qui arrivent sur eux en hurlant.
Vous croyez qu’on vous recherche, imbéciles ! Oui, on recherche les côtés faibles et l’on guette l’occasion.
Parbleu ! vous nous jetez vos filles dans les jambes, eh bien ! quelles y passent.
Et ensuite, vous jetterez les hauts cris. Vous ferez retentir l’hospitalité souillée, la confiance abusée, les généreuses réceptions converties en appâts à la luxure....... triples niais !
Vous vous tendez pièges sur pièges, et lorsqu’enfin vous tombez dans le déshonneur par vous-mêmes sollicité, vous croyez que votre indignation vous sauvera du mépris !
Les officiers anglais vous prennent pour ce que vous êtes, corbleu ! De quoi vous plaignez-vous donc ?
On comprendra que je ne cherche en ce moment aucune espèce d’allusion, et que je fais mes réserves pour certains cas exceptionnels où les victimes ne méritent pas leur sort, et ne doivent pas s’attendre à un malheur qu’elles n’ont rien fait pour rendre inévitable.
Mais ces cas tout à fait extraordinaires se noient dans un océan de turpitudes tous les jours renouvelées, amplifiées, centuplées.
Comme si nous n’étions pas assez humiliés déjà d’être encore des colons en 1869, avec quatre millions d’habitants, des villes comme Montréal, Toronto, Québec, Halifax, un voisinage comme celui des États-Unis, après vingt occasions de nous affranchir ou de nous annexer repoussées par nous, comme si ce n’était pas déjà assez de hontes bues, assez de dédains essuyés, pour que nous puissions au moins conserver au sein de la famille un refuge où nous ne soyons pas obligés de rougir !
Mais voilà : nous avons des fronts où la honte ne monte plus. Dépendance de tous côtés. À force de nous voir soumis, nous sommes devenus indignes. L’habitude de la prostration produit cet effet ; on reste courbé.
Courbé devant le soldat, courbé devant le prêtre, voilà le peuple canadien. Il est le pavé de son sol ; et sur ce pavé le militaire passe