dans les quatre ou cinq parties du monde, les affaires du Très-Haut pour sa plus grande gloire et le salut de nos âmes.
Ce sont les ministres de toutes les religions accréditées et leurs temples vénérables et sacrés.
Mais le ciel a aussi ses coulissiers, autrement dit ses courtiers marrons, audacieuse engeance, qui, sans mandat, effrontément, criminellement, se livrent au trafic de valeurs non cotées, émettent des actions du paradis qui ne rapporteront jamais le moindre dividende et dont on ne voudrait même pas, — Joseph Smith me pardonne ! — chez les Mormons, un peuple qui s’arrondit du reste, et une religion de fantaisie qui paraît devoir faire son petit bonhomme de chemin.
Ce qu’il y a de coulissiers du ciel dans Paris, ou si vous aimez mieux de faux prophètes qui, pour la soupe et le logement, vous promettent après la mort des félicités sans pareilles, est véritablement incroyable. À voir un peu partout tant d’églises dans le style gothique, dans celui de la Renaissance et même sans aucun style, mêlées aux temples protestants et aux synagogues ; à contempler tant de monastères à l’usage des deux sexes, de tous les ordres et de tous les habits, n’est-ce pas merveille qu’il se trouve encore de la place dans ce moderne capharnaüm pour un tas de petites églises occultes qui dorent les prophètes qui les bâtissent et les imbéciles qui les font vivre ? Mais ne nous montrons pas trop sévères envers ces rôdeurs de divinité.
Il n’y a pas de sot métier, il n’y a que des cervelles détraquées. Ces coulissiers célestes sont d’ailleurs des hommes fort aimables et fort doux qui n’eussent peut-être pas refusé une place au sénat, ou le titre d’administrateur général d’une de nos grandes lignes ferrées, mais qui, à défaut de titres et d’emplois, se résignent à vivre modestement de leurs inspirations mystiques. Le métier n’est pas mauvais après tout, n’exigeant aucune mise de fonds, presqu’aucun effort, et n’étant pas salissant comme tant d’autres métiers. L’existence ne serait que miel pour ces âmes bienheureuses, n’était la police correctionnelle, qui, d’un tour de main, fait d’un envoyé de l’Éternel un vulgaire et maladroit escroc. Nul doute que, sans ce tribunal prosaïque, Paris ne fût en possession, comme les États-Unis, d’échantillons de tous les cultes, ce qui, pour un simple philosophe, est un spectacle rempli d’intérêt et souvent très divertissant.
Rien de plus simple que les religions à leur début. Plus tard, quand le succès les accueille, elles se rattrappent assez bien. C’est donc dans les quartiers de Paris les plus éloignés du centre, abrités sous les toits les plus modestes, dans le mystère et le silence, que se produisent les fantaisistes ambassadeurs de la divine puissance.
Les femmes sont crédules. C’est ordinairement une demoiselle sur le retour qui prête son appartement au plénipotentiaire de l’Éternel, afin de prêcher la dernière parole, qui est la bonne. On pénètre dans le sanctuaire par un long corridor étroit, en se faisant reconnaître