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qui a emporté un à un tous les édifices de Québec, et, le 1er février 1873, il passait comme tant d’autres au feu, sans avoir eu la force de se relever depuis, et sans pouvoir trouver, lui qui avait abrité trois générations d’avocats et qui avait, pendant soixante-dix ans, retenti des éclats de leurs voix, un seul d’entre eux assez bavard pour demander seulement qu’on le reconstruisît, ou du moins qu’on cessât d’affliger nos yeux du spectacle de cette ruine qui semble fumer encore.

Nous continuons toujours ; avec nous s’avance la plateforme qui a repris son mouvement interrompu pendant trente années ; la voilà qui s’avance, et qui s’avance sans cesse jusqu’à ce qu’elle atteigne le pied du glacis, sa limite naturelle. Une fois parvenus là, un chemin nouvellement pratiqué nous conduira jusqu’au Château St. Louis que lord Dufferin veut faire construire sur le point culminant du cap, à l’extrémité est de la citadelle. C’est le terme de notre promenade, si longue à décrire, et si courte à parcourir. Mais avant d’escalader le glacis, arrêtons en passant un regard sur le monument de Wolfe et de Montcalm qui, derrière la batterie masquée du jardin du gouverneur, au pied même de l’escarpement que couronne le bastion du roi, semble une sentinelle adossée au cap et plongeant au loin son regard sur le fleuve. Voilà bientôt cinquante ans que cette sentinelle de pierre regarde à travers les orages et les brouillards du St. Laurent, à travers les nuits épaisses et les sifflements aigus du nord-est dont la voix couvrirait celle des canons, s’il ne vient pas quelque nouvel envahisseur avide de nous démolir à son tour pour nous posséder ensuite. Mais son œil se fatigue en vain à sonder les perfides détours du St. Laurent, les sombres hauteurs de Lévis et ses rivages muets ; nous n’avons plus un ennemi dans le monde entier, et les ombres réunies de Montcalm et de Wolfe sous la pierre de leur monument, peuvent