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classique dans la mémoire de chaque peuple. Et cependant, l’homme qui la faisait, allait défendre contre une flotte nombreuse une petite ville, une bicoque, qui n’avait pas pour trois jours de provisions et qui était dans un horrible état de confusion et d’alarme. Si le siège eût duré seulement huit jours, Québec affamé aurait été obligé de se rendre. Au bout de 3 à 4 jours de bombardement, la garnison était déjà en proie à la famine, les religieuses ne mangeaient qu’un morceau de pain par jour, et les soldats n’attendaient même pas que le leur fût cuit, tant la faim les dévorait, et ils eurent bientôt dévasté les jardins, mangé tous les fruits et les légumes, de sorte qu’il ne restait plus rien, rien pour se nourrir, et Québec allait être vaincu par la famine, plus terrible que l’ennemi, lorsque heureusement, celui-ci leva le siège après une semaine de bombardement inutile, et notre vieille capitale fut encore une fois sauvée.

Rappelons un exploit mémorable de ce siège. Un officier français, du nom de Maricourt, pointant un des canons du fort, abattit le pavillon-amiral de William Phipps ; aussitôt deux canadiens se jetèrent à la nage, et allèrent le ramasser dans le fleuve sous le feu même de l’ennemi : ce drapeau resta suspendu à la voûte de la cathédrale jusqu’à la prise de Québec en 1759. Huit ans après mourait Frontenac, et son enterrement avait lieu à l’église des Récollets. Aujourd’hui, le seul souvenir qui reste de ce grand homme, dans la ville qu’il avait si héroïquement protégée, est la petite rue Buade qui s’étend du bureau de poste au marché de la haute-ville. En général, du reste, nos rues ne brillent pas par les souvenirs qu’elles consacrent ; elles servent admirablement à rappeler les noms de tous les saints du calendrier, excellente chose dans un pays où on les oublie tant, et elles nous offrent un nouveau genre de litanie qui a l’incontestable avantage de se substituer à ce qui formerait comme une éducation historique et populaire de