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L’OUTAOUAIS SUPÉRIEUR

gravitation de notre planète vers un espace toujours reculé. Les vagues de ses forêts, de ses collines et de ses montagnes flottent et montent dans un ciel sans limites, vers des rivages dont nul ne voit la trace, et dont la ligne de l’horizon lointain ne peut donner qu’une illusion passagère.

Quand, le soir, les grandes ombres descendant des montagnes, s’avancent comme une mer de ténèbres, épaississent et mêlent les forêts, jettent sur l’abîme sans fond des lacs une moire sombre et intense qui engloutit en quelques instants les dernières et confuses images du jour, on dirait qu’une planète inconnue, et cependant sœur de la nôtre, descend doucement des hauteurs infinies pour la couvrir de son aile et protéger son repos. Immuables, muettes, coupant le ciel de leur longue ligne azurée, se dressant de plus en plus, et toujours reculant dans leur immobilité, à mesure que l’on croit approcher d’elles, les hautes et silencieuses montagnes, énormes et tranquilles fantômes, amoncelant la nuit autour de leurs cimes, ressemblent à des sentinelles de l’espace accomplissant sans lassitude et sans murmure une consigne éternelle………………………………………………………

Lorsque, il y a quelques années, je rêvai pour la première fois de faire un tableau général du Nord, tout le monde ignorait encore ce qu’était cet admira-