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champ étroit, où l’on marchait à tâtons, incertain de sa voie et du but à atteindre, est devenu, en peu d’années, un champ illimité où les conceptions les plus hardies s’exercent librement, sans étonner personne. Qui n’a présent à la mémoire le douloureux enfantement du chemin de fer du Nord, et les combats acharnés qui se livrèrent autour de son berceau ? Qui ne se rappelle l’incrédulité, la malveillance, les attaques grossières et violentes qui accueillirent la Compagnie du chemin de fer du lac Saint-Jean, lorsqu’elle déclara au public qu’elle avait bien réellement l’intention de construire sa ligne ? Quoi ! ouvrir un chemin de fer au milieu des Laurentides ! Quoi ! le faire passer à travers cinquante lieues de forêts ! Et dans quel but ? Pour rattacher à la capitale provinciale une misérable petite colonie de trente à quarante mille âmes, disséminée sur un vaste territoire, et trop pauvre pour sustenter par son commerce une ligne de cette importance ! Si ce n’était là une gigantesque chimère, à coup sûr, c’était une audacieuse spéculation des directeurs de la Compagnie, qui voulaient uniquement exploiter la région forestière en arrière de Québec, et après avoir fait construire, dans ce but, une soixantaine de milles de chemin, se déclarer incapables de continuer les travaux.

Mais, outre qu’elle était sincère, la Compagnie n’avait pas seulement l’intention, comme on va le