rivières. Aller au delà, ou en arrière, et surtout pénétrer dans les plantureuses vallées du nord, si favorables aux pâturages, à l’élevage en grand des belles races bovines et ovines, semblait une utopie que l’aveuglement ou l’ignorance ou la connivence désastreuse des hommes au pouvoir nourrissait pour mieux détourner de leur objet véritable les octrois consentis pour la colonisation.
Oui, l’immense et superbe Nord, espoir, grandeur, force et gloire future de notre patrie, n’apparaissait encore en ces temps-là qu’à travers un immense voile de brouillards, comme la région du mystère et de l’impénétrable. On se le figurait à peu près de même qu’on se figure aujourd’hui les côtes les plus lointaines du Labrador, où les Esquimaux s’élancent à la poursuite des phoques et des ours blancs, sur des champs de glace éternels. Et moi aussi, comme tant d’autres, à cette époque encore si récente, je croyais que tout le Nord, à partir du 49e degré, plus ou moins en deçà ou au delà, n’était qu’une vaste contrée inhabitable, inculte, livrée à une solitude farouche et à un silence sans fin. Je croyais que le domaine utilisable de l’homme finissait à la latitude des lacs que forme en s’élargissant l’Outaouais supérieur, ou tout au moins à la ligne de faîte qui sépare les eaux du Saint-Laurent de celles de la baie d’Hudson ; et quand, parfois, mon imagination se portait vers ces