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L’OUTAOUAIS SUPÉRIEUR

retombant sur le dos, soutenait un objet de poids proportionné à la force de chacun, c’était, après tout cela, disons-nous, de remonter à pied les bords du rapide. On soufflait, on suait, on pliait sous le faix par des sentiers tortueux, rocailleux, hérissés d’obstacles, quelquefois entièrement bouchés par la chute récente d’un tronc d’arbre, ou d’autrefois, embarrassés tellement par les détritus de forêts de toute espèce qu’y avait précipités l’orage de la veille, qu’on n’avait d’autre alternative que de se frayer un chemin, soit dans la vase détrempée de la rive, soit en escaladant les rochers les uns après les autres, en s’aidant de son mieux des obstacles mêmes de la route.

On appelait cette aimable opération « remonter les rapides à la cordelle. » L’un portait au bout de sa lanière de cuir une boîte de thé surmontée de divers menus objets, l’autre un sac de farine, celui-ci un baril de lard, celui-là un poèle ou d’autres articles de ménage ; les femmes, car il y en avait aussi quelquefois, portaient ce qu’elles pouvaient ; et enfin, deux ou trois hommes, tenant le bout d’un cable solidement attaché à l’embarcation, la remontaient ainsi dans le rapide le long des bords, dans l’eau jusqu’aux genoux, sur des lits de cailloux, sur les escarpements ou les pentes glissantes des rochers, à travers les taillis et les broussailles emmêlées, et, tout le temps, occupés, par dessus toutes choses, à empêcher le choc