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VOYAGES.

grandes villes où la richesse est ignorante et barbare ; je les hais, je les fuis ! leur luxe fatigue plutôt qu’il n’éblouit mon regard, et je m’étonne de ce qu’on se donne tant de mal pour être magnifique quand il en faut si peu pour être heureux. Être heureux ! je me trompe, c’est là le difficile, et c’est parce qu’ils se sentent incapables d’arriver au bonheur que les hommes s’étourdissent à la poursuite de l’or.

Mais quelle science des commodités de la vie, quel art les Américains possèdent pour les plus petits détails des voyages ! Tout cela découle de ce théorème qui renferme pour eux toutes les vérités philosophiques : qu’une minute vaut de l’or et que l’homme n’a pas un instant à perdre dans la vie. — Voyagez aux États-Unis et vous n’avez à vous occuper ni de votre bagage, ni de votre parapluie, ni de votre chapeau, ni du moindre petit objet que vous jugez bon de garder avec vous, ni de votre hôtel. Tout est prévu ; on vous mènera, on vous ramènera, on prendra soin de votre mouchoir si vous le voulez, on vous renseignera sur tout, et remarquez bien que chaque chose a son prix fixe, très-réduit, que vous vous épargnez ainsi beaucoup de trouble, de dépense et de temps, et qu’en outre vous pouvez vous abandonner avec une confiance absolue au dernier des employés qui exhibera de son droit à vous offrir ses services. Sans une honnêteté scrupuleuse et une exactitude extrême, comment les Américains pourraient-ils espérer la clientèle des voyageurs au milieu de cette confusion d’arrivées et de départs qui a lieu dans les grandes villes, à toute heure du jour ? Il est bon de le dire en passant ;