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CHRONIQUES

vention, à l’exemple de l’histoire, toutes choses qui sont autant d’armes terribles contre la peine de mort, je n’invoque que le droit, exclusivement le droit, et voici sur quoi je m’appuie :

Personne, pas plus la société que l’individu pris à part, n’est le maître de la vie humaine ; elle ne l’est pas davantage sous prétexte de rendre la justice, car la justice des hommes ne peut aller jusqu’au pouvoir de Dieu. La société ne peut tuer non plus pour rendre au meurtrier ce qu’il a fait, car alors la justice n’est plus que la vengeance, et retourne à la loi rudimentaire et barbare du talion qui regarde le châtiment comme la compensation du crime. Or, toute compensation veut dire représaille : cela ne résout rien, car la compensation est arbitraire et relative. Vous voulez que le sang efface le sang ; les anciens germains se contentaient d’imposer une amende à l’assassin ; d’un côté comme de l’autre, il n’y a pas plus de justice, car le châtiment ne doit pas viser à compenser, mais à prévenir le mal.

Voici un homme qui a commis un crime, deux crimes atroces ; il se trouve en présence de la société vengeresse. La société vengeresse ! voilà déjà un mot qui étonne. Le penseur se demande si une société qui se venge a le droit de juger et de condamner : il se demande si la justice, qui est éternelle, peut bien aller de concert avec la loi qui n’est souvent qu’une convention fortuite, une nécessité qui emprunte tout aux circonstances et qui varie avec elles, parfois même au détriment de ce qui est juste.

Le criminel est en présence de son juge ; il a un avocat pour le défendre. Tout se fait dans les formes ; il a le bénéfice des circonstances atténuantes ; mais rien ne peut le