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CHRONIQUES

porte en lui toutes les passions criminelles. La société n’a plus aujourd’hui l’excuse des siècles passés qui ne savaient se débarrasser d’un criminel qu’en l’immolant ; elle doit prendre sur elle le fardeau des principes qu’elle proclame et rendre efficaces les institutions qui ont pour objet de prévenir le crime afin de n’avoir pas à le châtier.

L’horreur des échafauds s’est inspiré de chaque progrès de l’homme dans sa réconciliation avec les principes de la véritable justice. La peine de mort pour les hérétiques, pour les magiciens, pour les voleurs, a disparu ; la peine de mort pour les assassins mêmes recule de plus en plus devant la protestation de l’humanité. Les circonstances atténuantes ont marqué la transition entre une époque barbare et les efforts que la société a faits pour détruire ses vices ; il ne reste plus qu’à accomplir le dernier triomphe de la civilisation sur les préjugés qui seuls arrêtent encore le progrès des mœurs.

Je dis que le châtiment, de même que le remède, est impuissant à guérir le mal tant que la cause de ce mal subsiste. C’est elle qu’il faut attaquer et détruire. L’ordre moral est analogue à l’ordre physique. Dans les pays où la fièvre jaune entasse ses victimes, si l’on ne faisait que soigner les sujets atteints, combien d’autres ne tarderaient pas à succomber au fléau ? Mais ce qu’on cherche avant toutes choses, c’est de détruire les éléments corrompus de l’air ; on combat l’épidémie dans ses causes permanentes, on dessèche les marais et l’on entretient la salubrité par